[Article mis à jour le 02/05/2020]
Moins connue que la boulimie et pourtant plus fréquente, l’hyperphagie boulimique fait, elle aussi, partie des troubles des conduites alimentaires au même titre que l’anorexie. Ses répercussions sont tant physiques que psychologiques.
Définition
Les troubles des conduites ou du comportement alimentaire(s) (TCA) sont considérés comme des maladies mentales. Le DSM-V (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) distingue entre autres l’anorexie mentale, la boulimie, l’hyperphagie boulimique (Binge-Eating Disorder), le pica (ingestion de substances non comestibles), le mérycisme (régurgitations et remastications) et l’alimentation sélective et/ou d’évitement.
L’hyperphagie boulimique et la boulimie ont en commun des épisodes récurrents de crises de boulimie. Ces crises se définissent par la survenue de moments, la plupart du temps, cachés aux yeux des proches, où l’on va ingérer relativement rapidement de grandes quantités d’aliments que l’on aime (mais parfois aussi que l’on n’aime pas) avec un sentiment de perte de contrôle. S’en suit souvent des sentiments de trop plein, de lourdeur, de culpabilité et de dévalorisation de soi-même.
Là où l’hyperphagie boulimique diffère de la boulimie c’est que l’on ne va pas chercher à compenser cette crise pour éviter de prendre du poids même si le poids reste une préoccupation importante. Donc pas de vomissements provoqués, pas de prises de médicaments ou autres moyens compensatoires inappropriés.
C’est pourquoi, contrairement là aussi à la boulimie, si l’on souffre d’hyperphagie boulimique, on a tendance à être en surpoids ou en obésité.
Critères de diagnostic et de gravité selon le DSM-V
A – Les épisodes d’hyperphagie boulimique (absorption en moins de 2H00 d’une grande quantité de nourriture avec sentiment de perte de contrôle) ont lieu au moins 1 fois par semaine pendant 3 mois.
B – Ces épisodes sont associés à au moins 3 des éléments suivants :
- Manger beaucoup plus rapidement que la normale ;
- Manger jusqu’à éprouver une sensation pénible de distension abdominale ;
- Manger de grandes quantités de nourriture en l’absence de sensation de faim physique ;
- Manger seul parce qu’on est gêné par la quantité de nourriture que l’on absorbe ;
- Se sentir dégoûté de soi-même, déprimé ou très coupable après avoir trop mangé.
C – Ces crises sont la source d’une souffrance marquée.
D – Ces crises ne sont pas associées à des comportements compensatoires.
Ces critères sont donnés à titre indicatif et sont à relativiser. A partir du moment où l’on souffre de son comportement alimentaire ou que l’on se pose des questions dessus, il est important de consulter un professionnel de santé formé aux troubles des conduites alimentaires. Attention tous les professionnels de santé ne le sont pas forcément, hors il est indispensable de comprendre ces troubles pour avoir la bienveillance et l’empathie nécessaire pour accueillir les confidences de quelqu’un qui souffre de son comportement alimentaire. Dans le cas contraire le professionnel risque d’aggraver la situation.
Populations à risques et données épidémiologiques
L’hyperphagie boulimique touche officiellement 3 à 5 % de la population mais on estime ce chiffre sous-évalué car les personnes souffrant de troubles des conduites alimentaires en parlent peu. Contrairement à la boulimie qui est principalement féminine, l’hyperphagie boulimique touche quasiment autant les hommes que les femmes. Elle est souvent diagnostiquée chez les jeunes adultes (au-delà de 20 ans) mais peut également toucher, sous une forme plus sévère, des personnes plus jeunes. Selon plusieurs études il y aurait 20 à 50 % des personnes qui consulteraient un professionnel de santé pour surpoids qui souffriraient d’hyperphagie boulimique.
Les causes d’apparition de l’hyperphagie boulimique ne sont pas encore parfaitement définies mais on repère des risques plus importants d’en être atteint chez :
- Les personnes qui ont des antécédents familiaux de TCA : si un de vos parents souffre de TCA, vos risques d’en développer sont plus grands ;
- Les personnes qui ont des antécédents de TCA : une fois guéries le risque de rechute reste toujours possible ;
- Les personnes ayant subi un traumatisme ou un abus sexuel ;
- Les personnes ayant fait des régimes restrictifs. Ce critère est un peu moins spécifique pour l’hyperphagie boulimique mais il me semblait important de l’évoquer car même s’il n’est pas forcément à l’origine du trouble, il l’aggrave.
Risques associés à l’hyperphagie boulimique
Les risques associés à l’hyperphagie boulimique sont :
- Des troubles anxieux et/ou dépressifs avec parfois tentatives de suicide ;
- Des troubles addictifs ;
- Des difficultés dans la gestion des émotions ;
- Des troubles digestifs : reflux gastro œsophagien, ballonnements, douleurs abdominales, mauvaise haleine…
- Des troubles sexuels, une baisse de la fertilité ou une infertilité ;
- L’obésité et toutes ses complications ;
- La stéatose hépatique (foie gras)
Se soigner :
L’hyperphagie boulimique peut être soignée quelque-soit le moment du début de la prise en charge. Toutefois plus ce démarrage est précoce et plus faciles sont la guérison et la prévention des formes chroniques, des complications et des rechutes.
La prise en charge est pluridisciplinaire (psychiatre ou psychologue, diététicien, médecin traitant), longue et il y aura des améliorations et des rechutes avant de pouvoir en sortir vraiment. Au final l’objectif est de retrouver une alimentation régulée, équilibrée et plaisante ainsi que d’améliorer significativement son estime de soi et son image corporelle. La prise en charge peut également inclure la famille.
Prise en charge psychologique : La thérapie cognitive et comportementale est la plus utilisée mais d’autres approches sont possibles. Le travail portera sur les traumatismes éventuels, la gestion des émotions, l’estime de soi, l’image du corps et le comportement alimentaire.
Prise en charge diététique : Le travail du diététicien va permettre de faire la part des choses entre ce qui est de l’ordre du trouble des conduites alimentaires et ce qui est de l’ordre d’une alimentation régulée. Il va également permettre de bien comprendre en quoi consiste l’hyperphagie boulimique, de déculpabiliser, de travailler sur les idées reçues, de se recentrer sur une alimentation plaisante dans le respect de ses sensations corporelles (faim, rassasiement et envies de manger). Une prise en charge du surpoids ou de l’obésité peut aussi être mise en place souvent en parallèle ou en deuxième intention.
Prise en charge médicale : Le médecin va surveiller l’évolution de la maladie, l’état de santé et traiter les complications éventuelles.
Sources :
- FFAB – Fédération Française Anorexie Boulimie – Permanence téléphonique pour les patients, les familles, les proches et les professionnels.
- Haute Autorité de Santé – Boulimie et hyperphagie boulimique : Repérage et éléments généraux de prise en charge.
- Association Autrement
Diététicienne nutritionniste depuis 2009, Céline Maillard exerce en libéral en Gironde (Mérignac et Saint Médard en Jalles). Elle est formée aux approches comportementales et propose à ses patients une prise en charge diététique bienveillante et personnalisée.