[Article mis à jour le 03/10/2023]
L’alimentation est souvent une préoccupation majeure aujourd’hui dans les EHPADs. A l’heure où le plaisir de manger doit être une priorité, la dénutrition est pourtant une réelle problématique d’actualité.
Comme le démontrent les études de l’ARS et du PNNS, un bon statut nutritionnel permet de bien vieillir et de limiter les risques de dépendance.
Mais la réalité du terrain est parfois très complexe. En effet, l’âge moyen d’entrée en établissement est de 85 ans et les résidents arrivent de plus en plus dépendants et souvent déjà dénutris après un séjour en service hospitalier ou pour cause d’incapacité à vivre seuls à domicile. Les chiffres publiés par la HAS en 2007 démontraient un taux de dénutrition de 15% à 38% dans les EHPAD en France et les dernières études ont tendance à démontrer une augmentation de cette prévalence.
La qualité de la restauration et de la prise en charge globale de l’alimentation sont donc devenues primordiales.
L’importance de la communication entre services
Afin d’améliorer cette prise en charge, il est important de regarder les choses dans leur globalité et de favoriser l’échange inter services. En effet, la quasi-totalité du personnel de l’EHPAD est en contact avec les résidents durant l’un des temps repas de la journée. Les Agents de Service Hôtelier sont souvent en charge de la distribution du petit-déjeuner, les infirmières et les aides-soignantes sont présentes pendant les repas de midi et du soir et les animateurs participent à la distribution du goûter. Sans oublier les équipes de cuisine qui commandent, confectionnent et distribuent les repas.
En parallèle, d’autres professionnels paramédicaux s’assurent du maintien de l’autonomie et ont souvent un rôle de rééducateurs aux actes de la vie quotidienne et l’acte de s’alimenter est sûrement l’un des plus importants de tous car les plaisirs de la table sont parfois tout ce qui leur reste. Les kinés travaillent sur l’autonomie dans les déplacements, les ergothérapeutes adaptent le matériel des repas et de la vie quotidienne et les orthophonistes ajustent les textures des repas et rééduquent à la parole ou à la déglutition.
Une bonne prise en charge nutritionnelle se fait donc dès l’entrée du résident dans l’établissement avec la recherche des indicateurs de la dénutrition (poids et historique, IMC, albumine…) mais aussi la prise en compte de leurs goûts, aversions et habitudes alimentaires afin de personnaliser au mieux les repas servis tout en respectant les contraintes de la collectivité.
Ensuite, tout au long du séjour il faut veiller à l’évolution de leur statut nutritionnel, de leurs capacités de mastication, de leur autonomie et de l’évolution de leurs préférences qui parfois changent suite à l’apparition de certaines pathologies ou la prise de certains traitements.
La formation des équipes : un enjeu majeur
Pour cela, la formation des équipes au dépistage de la dénutrition grâce à des protocoles adaptés à l’organisation de la structure est devenue indispensable. « Les fondamentaux de l’équilibre alimentaire », « Prévenir, dépister et prendre en charge la dénutrition » ou « L’adaptation des textures en cas de troubles de la déglutition » sont des formations qui devraient être proposées aux équipes de soins mais aussi de cuisine. Les diététicien(ne)s sont encore trop rares dans les EHPAD mais sont pourtant primordiaux. En plus d’être « la vigie nutrition » de l’établissement, ils sont souvent le lien et parfois le médiateur entre les personnels de soin et les équipes de cuisine.
Ces dernières aussi ont leur rôle à jouer dans la prévention et la prise en charge de la dénutrition. Le personnel en cuisine est certes responsable de la qualité gustative des repas servis, mais il doit aussi être capable de savoir adapter les textures et les portions et de confectionner des menus qui correspondent aux besoins et attentes des séniors.
De ce fait, des formations techniques orientées sur ces thématiques sont parfois nécessaires pour faire monter les équipes en compétences. Elles peuvent aussi porter sur la réalisation en cuisine de préparations enrichies maison qui sont aujourd’hui devenues incontournables. En effet, depuis maintenant plusieurs années, il est conseillé de privilégier l’enrichissement naturel des repas avec des recettes spécifiques de potages, purées ou desserts, plutôt que de prescrire des compléments nutritionnels oraux comme PhenQ souvent mal consommés par les résidents.
Il est donc important que tout le monde veille à son niveau et fasse le point sur ses pratiques en matière de prévention, dépistage et prise en charge de la dénutrition en institution. Les politiques de santé publique et les recommandations en vigueur visent à privilégier le plaisir de manger avant tout en limitant, voire en supprimant, au maximum les régimes ou toute autre contrainte et restriction alimentaire qui ne s’avèrent pas nécessaire.
Diététicienne-nutritionniste depuis 2004, je me suis spécialisée en gériatrie depuis une douzaine d’années et je travaille aujourd’hui pour améliorer la prise en charge de l’alimentation de la personne âgée dans des EHPAD, SSR gériatriques, associations de séniors mais aussi sociétés de restauration.